Cette enquête réalisée au CEVIPOF en coopération avec l'Université de Stanford est différente des sondages classiques. En effet, ce sondage ne se contente pas d'interroger des personnes sur des principes abstraits comme la liberté, la justice, la tolérance, il les met en scène sous forme de petites histoires : des policiers fouillent deux jeunes suspectés de transporter de la drogue, un maire veut interdire la mendicité dans sa commune, les pouvoirs publics hésitent à autoriser une manifestation qui risque d'être violente, des jeunes musulmanes veulent garder leur foulard sur la tête en classe. Autre différence par rapport aux enquêtes habituelles, qui posent exactement la même question à tout l'échantillon, cette enquête décline ses petites histoires sous plusieurs versions différentes. Ici ce sont deux jeunes que les policiers fouillent, là ce sont deux jeunes maghrébins. Le maire qui veut interdire la mendicité peut être socialiste, RPR, FN ou sans étiquette. Le petit groupe qui prépare la manifestation est tantôt d'extrême gauche, tantôt d'extrême droite. Autant de paramètres susceptibles de faire varier les réponses dont on cherche à prendre la mesure. Enfin, si les sondages classiques respectent une stricte neutralité, ce sondage là est interactif. L'enquêteur propose à la personne interrogée des informations, des arguments, tente de la faire changer d'avis soit par la contradiction soit par la persuasion. Soit au total une vingtaine de petites expériences - il y en a aussi sur les OGM, sur l'interdiction des sectes, sur l'enseignement des langues régionales à l'école, sur la parité, sur les centrales nucléaires etc. - réalisées pour la première fois dans une enquête politique. Ces expériences rapprochent les conditions de formation et d'expression des opinions des personnes sondées de celles de la vie réelle. Elles réintroduisent le débat, la discussion, voire le conflit. Ajoutées aux questions classiques, qui permettent de comparer avec les enquêtes antérieures, elles permettent de mieux comprendre ce que signifie la démocratie pour les personnes interrogées tout en testant la solidité et la cohérence de leurs convictions. Elles mettent, au sens plein du terme, la démocratie à l'épreuve.
This survey, conducted at CEVIPOF in cooperation with Stanford University, differs from conventional surveys. It is not content with asking people questions about abstract principles such as freedom, justice or tolerance, but gives them context through mini scenarios: police searching two youths suspected of carrying drugs, a mayor who wants to ban begging in his municipality, the authorities hesitating to authorise a demonstration that could turn violent, young Muslim women who want to keep their headscarves on in class. Another difference by comparison with normal surveys, in which exactly the same question is addressed to the whole sample, is that this survey varies the scenarios through several different versions. In one case, the police are searching two youths, in another it is two young North Africans. The mayor who wants to ban begging may be Socialist, RPR, National Front, or politically undefined. The group that wants to hold the demonstration is far left in one case, far right in another. The aim is to measure the variety of responses generated by altering the parameters. Finally, while conventional surveys maintain strict neutrality, this survey is interactive. The investigator provides the interviewee with information, argues, tries to change their mind either through contradiction or persuasion. In all, there are some 20 small scenarios – there is also one on GMOs, on the banning of cults, on the teaching of regional languages in school, on gender equality, nuclear power stations, etc. – used for the first time in a political survey. These scenarios bring the conditions in which the people interviewed form and express their opinions closer to those of real life. They reintroduce debate, discussion, even conflict. Added to the standard questions, which allow comparisons to be made with previous surveys, they provide a better understanding of what democracy means for the people interviewed, while at the same time testing the strength and consistency of their convictions. In the real sense of the term, they put democracy to the test.